lundi 12 avril 2010

Le Parti ouvrier belge (POB) a 125 ans


Le Parti ouvrier belge (POB) a 125 ans

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Les 5 et 6 avril 1885, naissait le Parti ouvrier belge. Issu du tout nouveau mouvement socialiste de l’époque, le parti a été sans aucun doute un pas en avant dans l’histoire sociale de notre pays.

Peter Mertens

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Après l’Angleterre, la Belgique a été le premier pays industrialisé au monde. De ce fait, au milieu du 19e siècle se développe une nouvelle classe : la classe ouvrière. Et celle-ci mène une existence pénible. Toute la famille travaille, Même les enfants, dès neuf ans. Il n’y a pas de jour de repos obligatoire, et on travaille de 12 à 14 heures par jour. Le salaire – quand il est payé – est maigre. En 1840, une famille de tisseurs de lin gagne 12,90 francs. 9,25 francs sont consacrés à la nourriture, 1,60 franc au loyer. La moitié des familles ouvrières n’ont qu’un logement d’une seule pièce. La mortalité est très élevée et l’espérance de vie moyenne est de 45 ans à peine.
Les conditions matérielles rendent difficile l’organisation de la classe ouvrière. Et les circonstances politiques sont plus pénibles encore. La Belgique est un paradis réactionnaire. Il est interdit d’exhiber un drapeau rouge en rue ou de « comploter » (de fonder des syndicats). La loi Le Chapelier (1791) sanctionnait les « coalitions entre ouvriers dans le but d’augmenter leurs salaires ». Entre 1830 et 1867, plus de 1 500 ouvriers ont été jetés en prison pour grève. Dans ces circonstances, organiser et conscientiser la classe ouvrière n’est pas facile. On peut tout perdre : salaire, pain, santé, vie. Pourtant, l’ambitieux mouvement socialiste parvient à s’implanter sur le terrain.

Les trois piliers du mouvement socialiste

A l’époque de la fondation du Parti ouvrier belge (POB), un groupe d’ouvriers met en place une coopérative, Le Progrès, et installe son quartier général dans la toute première « Maison du peuple » du pays, à Jolimont, dans la région de La Louvière. Avec un objectif politique : favoriser l’organisation de la classe ouvrière et enraciner le socialisme dans notre pays. Vu la cherté de la nourriture, c’est une initiative géniale. Elle répond aux besoins réels du monde du travail. En 1886, Le progrès produit 24 000 kilos de pain par jour et deviendra bientôt la plus grande boulangerie du pays. Les bénéfices sont redistribués tous les trois mois aux membres, proportionnellement à leurs achats.
A la même période, la même initiative est prise par des ouvriers socialistes gantois qui fondent l’union boulangère coopérative Vooruit. Pour devenir membre, on paye 0,25 franc d’inscription et on peut également y acheter son pain à bas prix. En 1893, Vooruit compte déjà 5 186 membres. Ses locaux deviennent le centre de la vie du parti. Des maisons du peuple apparaissent comme lieux de ralliement et accueillent les socialistes, les colporteurs du journal socialiste Vooruit, l’harmonie, le club de gymnastique, une bibliothèque, etc.
C’est principalement à travers les coopératives que le mouvement socialiste est entré dans les logements des ouvriers. Au début de la Première Guerre mondiale, le mouvement socialiste s’est ainsi implanté dans 541 communes, il possède 96 boulangeries, 172 maisons du peuple, 397 magasins et 170 000 membres.
Le deuxième pilier du mouvement socialiste, ce sont les mutualités. Elles naissent dans une période sans la moindre sécurité sociale, dans le but d’apporter du soutien financier aux ouvriers touchés par la maladie. Un certain nombre de mutualités sont gagnées au socialisme, comme la caisse de secours mutuel La Solidarité de Fayt, associée à la Maison du peuple de Jolimont. Au nord du pays, des mutualités se rassemblent pour fonder, en 1889, la Bond Moyson. Via la collaboration avec les coopératives, certains médicaments et soins médicaux peuvent être accordés gratuitement. Une sorte de Médecine pour le Peuple avant la lettre, cela répond une fois encore aux besoins directs de la classe ouvrière. En 1914, notre pays compte 250 000 mutualistes socialistes.
Le troisième pilier est le plus difficile : l’organisation en syndicats des travailleurs sur leur lieu de travail. Ici, on est face au patron. « Le capital est une force sociale concentrée, alors que le travailleur ne dispose que de sa propre force de travail. La force sociale des travailleurs ne réside que dans leur nombre. Mais la force de leur avantage quantitatif est annulée par leur morcellement », écrit Marx en insistant sur l’importance des organisations syndicales. On peut briser un doigt, pas un poing. C’est une longue histoire de chutes et de redressements. Avec privation du gagne-pain, lock-outs et peines de prison. C’est dans la région gantoise, dans le textile et le lin, que la pensée organisationnelle a pénétré le plus et que naissent les premiers syndicats. À Bruxelles, la classe ouvrière vient principalement de la petite industrie, de l’artisanat. Typographes, orfèvres, cordonniers et menuisiers s’organisent davantage en unions corporatistes. Quant à la combativité, on la rencontre surtout chez les mineurs du Borinage, mais ils restent également les plus difficiles à organiser en syndicats. Les syndicats naissent par entreprise et localement. Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle qu’ils se réunissent en fédérations, qui annoncent les centrales actuelles. À cette époque, ils comptent quelques 50 000 membres. En 1914, à peine 7 % des travailleurs sont syndiqués.

La fondation d’un parti ouvrier indépendant, le POB

« Depuis 1847, Marx et moi-même avons toujours défendu ce qui suit : afin que, le jour décisif, le prolétariat soit assez fort pour vaincre, il est nécessaire qu’il constitue un parti indépendant, libre et opposé à tous les autres, un parti de classes et conscient de l’être également », écrit Friedrich Engels à la fin de sa vie. C’est cette conception que Marx et lui défendent au sein de la Première Internationale, première collaboration ouvrière internationale. Les premières sections locales de l’Internationale furent créées en Belgique en 1867 : Les francs ouvriers à Verviers et La Solidarité à Fayt. En 1874, le marbrier Louis Bertrand fonde à Bruxelles une première association ouvrière qui veut intervenir politiquement. La même année, Edmond Van Beveren, peintre en bâtiment, mène des efforts identiques avec succès en région gantoise.
Après diverses tentatives, le POB est finalement fondé en avril 1885. Le parti apparaît comme un groupement de syndicats, de mutualités, de coopératives et de cercles d’étude et de propagande. Il naît comme un parti ouvrier indépendant, même cela est fermement discuté. On finit par conclure : « Nous formons avant tout un parti de classe et nous devons nous en tenir à ce caractère. » Pour y arriver, on fait d’importantes concessions. Aucun groupe ne peut être exclu, le mot « socialisme » est consciemment laissé de côté dans le nom du parti, il y a une aversion pour la théorie (« Cela ne m’intéresse pas », déclare Edward Anseele) et il y existe une grande crainte à l’égard de la lutte des classes.

Malgré son réformisme (la croyance de pouvoir changer et adoucir le capitalisme), la fondation du POB est incontestablement un pas en avant dans notre histoire sociale. Il contribuera à l’organisation de la classe ouvrière en tant que classe, il œuvrera activement à la centralisation syndicale au sein d’un seul syndicat, il brisera la pensée conservatrice dans le pays et il créera à tout le moins de l’espace pour la diffusion du socialisme.

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