Suite du procès de l’incendie de la tour des Mésanges, qui a
causé la mort de sept personnes en 2003.
Mercredi 9 janvier :
dans leur plaidoirie, Jan Fermon et
Bernard Pinchard, deux des avocats des victimes de incendie, citent
différents rapports d’expertise. Celui de 2003 constate qu’aucune
porte coupe-feu n’était installée et que les gaines techniques ne
disposaient d’aucune protection coupe-feu, ni horizontale ni
verticale. Or, les gaines techniques disposées de part et d’autre
du hall commun ont joué un rôle essentiel dans la propagation de
l’incendie. Une détection incendie avait été installée en 1979
mais avait été démontée le 28 novembre 2002 par la société
DALKIA et, dès lors, au moment de l’incendie, aucune transmission
alarme n’était possible.
Les prévenus ont
affirmé ou pour tout le moins insinué qu’ils ne disposaient pas
des éléments d’appréciation nécessaires pour se rendre compte
de la dangerosité de la situation aux Mésanges en ce qui concerne
la sécurité incendie. Ignorance contredite par des éléments du
dossier et dénuée de crédibilité.
Pour Jan Fermon,
deux facteurs sont responsables de l’ampleur du drame :
l’absence d’un système d’alarme et l’absence des portes
coupe-feu. Il insiste : il ne faut pas avoir étudié, ni être
architecte ou ingénieur, pour savoir qu’une alarme peut sauver des
vies. C’est une simple question de bon sens. Béatrice Delhaye ne
serait pas restée enfermée durant des heures avec ses enfants dans
une petite chambre surchauffée, enfumée et dans le noir, si
l’alarme avait fonctionné.
De nombreux
témoignages mettent en évidence les problèmes liés à
l’absence de toute alarme incendie…
M. Zdanov n’a pas
seulement donné l’ordre de retirer la centrale d’alarme mais a
en outre outrepassé les avertissements de son directeur technique
sur l’urgence de remplacement du tableau. Il s’agit-là
indiscutablement d’une attitude fautive de la part de M. Zdanov
mettant en péril la vie et l’intégrité physique de l’ensemble
des habitants.
Les deux avocats,
Jan Fermon et Bernard Pinchart, relèvent encore que le premier
prévenu était également bourgmestre de Mons pendant des décennies
et recevait également en cette qualité tous les rapports des
pompiers.
S’adressant alors
à Mr Lafosse, Jan Fermon pose la question : admettons que vous
n’étiez pas au courant des rapports d’experts incendie. Mais
quand des locataires vous interpellent et demandent une réparation
de l’alarme « parce que leur vie est importante »,
vous auriez pu réagir en disant « peut-être faudrait-il
organiser un exercice incendie » ? Jamais un exercice
incendie n’a été réalisé.
Le coût de la sécurité
Quant au rapport de Mr Hendoux de 2007, ses conclusions permettent
d’écarter l’argumentation des prévenus qui tentent de se
dédouaner de tout reproche en invoquant le coût des travaux de
sécurisation de l’immeuble des « Mésanges ».
Il aurait fallu
remplacer 72 portes et impostes. Pour l’ensemble des 72 portes
résistantes au feu, la dépense à l’époque aurait été de
21.060 FB x 72 = 1.516.320 FB soit actuellement 37588,63 Euros. A
côté de cela, pour un coût de 51.840 FB, le cloisonnement
horizontal des gaines techniques aurait pu être réalisé.
Il faut souligner que chaque porte aurait permis une résistance au
feu d’1 heure.
Mais dans l’ensemble des PV du Conseil d’Administration de la
Sorelobo, nous ne trouvons aucune trace d’une discussion posant la
question : ‘comment allons-nous faire pour débloquer 40.000 €
pour les portes coupe-feu’. Avec ce minimum, vous auriez pu dire :
« chaque année on a réalisé quelque chose pour la sécurité.
Même si c’est loin de tout résoudre,
au moins un peu à la fois, on a essayé de résoudre le problème ».
Mais ici, RIEN sur 20 ans.
Pourtant, Mr Lafosse était un homme en vue, avec une certaine
influence, gérant une ville importante. Mais personne ne se souvient
d’une insistance de sa part : « j’ai une situation
dangereuse, il faut débloquer des moyens ». Non, aucune
demande de subsides.
Par contre, à l’époque on envisageait la construction d’un
nouveau siège de la Sorelobo, 60 millions d’€. Même si ça n’a
pas été fait, cela montre les choix qu’on posait !
Enfin, les parties
civiles ne contestent pas que la Sorelobo connaissait des difficultés
financières importantes mais il ressort des éléments du dossier
que ceux-ci ne la rendaient pas incapable de débourser 51.000 FB
pour réaliser des cloisons verticales dans les gaines techniques,
par exemple.
Maître Jan
Fermon s'arrête quelques instants, puis reprend :
« Madame la Présidente,
Je vous
demande de regarder la plainte que nous avons rédigée avec les
locataires sur un après-midi, dans une assemblée des familles des
victimes, houleuse et difficile, avec des personnes perturbées avec
ce qui venait de leur arriver. Nous avons fait une liste de tout ce
qui n’allait pas au niveau de la sécurité. C’étaient des
ouvriers, des femmes de ménage, des étudiants qui ont signalé ces
points. Eh bien cette liste correspond entièrement aux rapports des
experts ! Alors, Messieurs Lafosse et Zdanov ne savaient pas,
durant 20 ans ? »
Le vandalisme
Depuis la catastrophe des Mésanges,
les victimes ont été continuellement confrontées à des
insinuations selon lesquelles la responsabilité pour leur dommage
résiderait dans un vandalisme récurrent sur le site.
(oubien plus
simple : Depuis la catastrophe, les victimes ont été sans
arrêt confrontés à des insinuations selon lesquelles cet incendie
était en fait de leur faute, à cause du vandalisme continuel sur le
site)
Pas seulement par
certains articles de presse, mais aussi par les autorités locales à
la réunion d’information tenue immédiatement après le drame. La
référence au vandalisme est actuellement un élément essentiel du
système de défense des accusés.
L’insistance sur
cette question de vandalisme est d’autant plus étonnante que la
cause essentielle de l’extension rapide du feu, l’absence totale
de cloisonnement, n’a bien évidemment aucun lien avec un
quelconque acte de vandalisme.
Mais ce qui est grave, c’est que cette référence au vandalisme ou à une « population problématique » est tout à fait logiquement comprise par les parties civiles comme une généralisation insultante à leur égard.
Un exemple :
quand les parlophones ne fonctionnaient pas, imaginez-vous
l’inconfort. Soit il fallait descendre 10 étages pour voir qui a
sonné, soit il fallait prendre le risque d’ouvrir. Bien souvent,
la solution a été que les services techniques avaient la consigne
de retirer la serrure, et l’affaire était réglée. Résultat :
n’importe qui pouvait rentrer dans l’immeuble. Signalons au
passage qu’un concierge aurait pu tenir un oeil. Un incendiaire
volontaire pouvait donc rentrer et faire ce qu’il voulait. Les
locataires que nous représentons étaient les premières victimes de
cette situation, pas les coupables !
Certes,
nous ne nions pas qu’il y a vandalisme, mais il est instrumentalisé
pour cacher les responsabilités.
Aucun
élément n’est produit par les prévenus démontrant qu’ils
auraient pris des décisions ni même planifié des mesures de
préventions techniques tel que le placement autour de la centrale
d’armoires de protection, d’un parlophone renforcé, d’une
serrure ou d’une porte renforcée, etc.
En
plus, vu l’état de délabrement, que ce soit par des actes de
dégradation ou par l’usure, il est clair que l’entretien était
totalement défaillant. Dans ces conditions, ? (pas du bon français
: les prévenus sont mal venus pour tenter de rejeter la
responsabilité de la catastrophe sur « une population à risque »,
responsable de vandalisme.
En
définitive, il y a lieu de constater que le premier prévenu était
alors bourgmestre de la Ville de Mons. Il avait donc d’autres
moyens à sa disposition pour lutter contre les dégradations. Aucune
mesure particulière de police en ce sens n’est par ailleurs
évoquée par la défense.
Conclusion générale :
Il ressort du dossier répressif et de l’instruction d’audience et de ce qui précède, que la gestion de la Sorelobo par le premier prévenu, et dans laquelle le deuxième prévenu était un maillon essentiel, a été caractérisée par une négligence systématique de la sécurité des habitants des logements sociaux et d’un mépris récurrent pour ceux-ci, considérés comme « une population à risque et à problèmes » qui pouvait déjà être reconnaissante d’avoir un toit au-dessus de la tête.
Ce mépris ne s’est
pas seulement exprimé dans la négligence grave de la sécurité et
du bien-être des locataires, mais également dans une attitude
hautaine et de silence méprisant, rapporté par les acteurs sociaux
sur le terrain, qui se posent la question de savoir pourquoi la
Sorelobo n’écoute JAMAIS.
Il est sans doute
exact que la gestion de la Sorelobo sur ce point n’a guère été
différente de la gestion de la plupart des sociétés de logements
sociaux en Région wallonne, souvent considérées comme des
instruments pour organiser une politique clientéliste, et dont
certains gestionnaires se considéraient comme les propriétaires
privés plutôt que comme des mandataires publiques élus et
rémunérés par la collectivité pour veiller aux intérêts de
cette même collectivité.
Cela n’enlève
néanmoins rien à la responsabilité pénale et civile des personnes
responsables de cette gestion.
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