Après deux semaines d'interruptions le procès a repris ce lundi 07/01/2013. Les prochaines séances se dérouleront le mercredi 9 janvier 2013, le vendredi 11 janvier 2013, le lundi 14 janvier 2013 et le lundi 21 janvier 2013.
Toutes les séances débutent à 9 heures. Venez soutenir les victimes!
Incendie tour des Mésanges
Récit accablant des pompiers
Thérèse Michels
L’incendie de l’immeuble social « Les mésanges », qui causa la mort de sept personnes, le 20 février 2003, a fait l’objet de trois premières audiences devant le tribunal correctionnel de Mons, durant toute la semaine du 17 décembre. 49 victimes se sont portées parties civiles. Trois prévenus sont poursuivis pour homicides par défaut de prévoyance ou de précaution : Maurice Lafosse, alors président de la Société régionale de logements sociaux de Mons-Borinage (Sorelobo), Victor Zdanov, son directeur, et la société « Toit et moi » (l’ex-Sorelobo).
Ce jour-là, une main criminelle avait bouté le feu à la porte d’entrée d’un appartement du 2e étage. Aucun dispositif n’avait freiné la propagation de l’incendie qui avait rapidement gagné le 12e étage.
Albert
Mahieu, pompier, témoigne : « arrivé sur place, on voyait les
flammes au deuxième étage, mais deux personnes âgées étaient
toujours là. Comme l'alarme ne fonctionnait pas, elles étaient
restées à l'intérieur. Et par après, dans les couloirs il y avait
plein de fumée, impossible de passer sans masque. Il n'était
possible de sortir que par l'escalier de secours ». Mais il
n'avait servi à rien. « Pourquoi », interroge
Marie-Julie Deutsch, présidente. Cet escalier était accessible
depuis chaque appartement, via une fenêtre de chambre à 1,3 mètre
de hauteur. Et pour atteindre cette chambre, les résidents devaient
traverser leur hall d’entrée… totalement enfumé puisque les
portes des appartements s’étaient embrasées. De plus, il fallait
enjamber un radiateur et escalader une bordure !
Heureusement,
Albert Mahieu est arrivé juste à temps pour sortir les deux
vieilles personnes.
Mais
pendant que les pompiers éteignaient le feu à cet appartement, la
fumée et les flammes se sont propagées à travers les couloirs et
par les cages avec les gaines techniques, qui montaient jusqu'au
douzième. Or, comme le rappellera Me Pinchart, un des sept avocats
des victimes : « aucune protection de la gaine technique
n’avait été effectuée. » C’est cette gaine qui, au même
titre que la cage d’escalier intérieure, servit de voie royale au
feu et aux fumées. Pierre Genard, membre du collège d’experts
désigné durant l’instruction, dénonce : « Absence de portes
coupe-feu, tant à la cage d’escaliers qu’aux entrées des
appartements et aux parois des gaines techniques. Absence
d’étanchéité horizontale, à tous les niveaux, pour ces gaines
techniques. En toiture, les coupoles qui auraient dû servir
d’exutoires aux fumées sous pression, étaient bloquées. »
C'est
ainsi que les fumées, accumulées dans la partie haute, ont provoqué
des températures de plus de 1000°. Et c'est ainsi que des personnes
au douzième se sont jetées dans le vide ... D'autres ont été
retrouvées mortes à l'intérieur.
Vient
alors le témoignage du commandant pompier Yannick Vanderdonkt qui
avait sauvé au dixième étage Béatrice Delhaye et ses quatre
enfants. Moment très difficile pour Béatrice, présente dans la
salle. (Voir son témoignage en bas de page)
En cause : la gestion financière de la SORELOBO....
Après
l'incendie, Michel Bovy, commissaire de police, avait été chargé
d'établir un éventuel lien entre l'ampleur du sinistre et la
gestion financière de la Sorelobo. Michel Bovy insiste sur le
rapport du commandant Pee des pompiers de Mons. « Dès 1969, il a
dressé un document prémonitoire, terrifiant, décrivant le risque
énorme que représentait l’immeuble des “Mésanges”, dès sa
construction. Et les réunions du comité consultatif des locataires
n’y ont rien changé. Au comité de gérance, la protection
incendie passait au second plan, après les finances (fragiles) et
les économies d’énergie ». « Dans les archives j'ai
constaté peu de traces de rapports de pompiers. Les pompiers n'ont
jamais fait d'inspection générale et pourtant, ils ont souvent
tendu la main à la Sorelobo ».
Jan
Fermon, porte-parole des avocats des victimes : « L'expert en
incendie Mr Génard a expliqué que certaines interventions très
simples auraient pu résoudre les problèmes de sécurité. Comme la
protection des gaines techniques par du personnel maison. Les
montants n'étaient pas exorbitants et malgré le fait que cela
aurait pu sauver des vies, rien n'a été fait ».
... et la politique du logement social !
Mr
Alain Rosenoer, directeur-général de la SWL (Société Wallonne du
Logement) : « Lorsque des investissements doivent être faits,
les sociétés de logement doivent faire des propositions qui sont
examinées par la SWL. Celle-ci doit soumettre ses propositions au
gouvernement wallon qui donne son feu vert ou non ».
La
présidente M.J. Deutsch : « la SWL n'est donc qu'un organe de
transmission ? Et concernant la sécurité, n'est-ce pas une priorité
de la SWL ? Ou bien, ce n'est pas vous qui décidez ? »
Alain
Rosenoer : « il faut revenir en arrière. Dans les années 60 –
70 il y a eu des vastes programmes de construction. 20.000 logements
publics étaient construits chaque année. Aujourd'hui encore 4 à
500 par an alors qu'il y a une grave crise de logement. Nous ne
suivons même pas le rythme des démolitions.
Les
grands ensembles qui ont été construits à cette époque montrent
tous des problèmes, et sont de la plus mauvaise qualité. L'on a
aussi construit n'importe où; là où le terrain était le moins
cher. La seule époque où l'on a cherché à concevoir des logements
publics de qualité, est la période après-guerre des années '20.
Ces logements sont d'ailleurs encore prisés aujourd'hui.
A
la fin des années 80, la Sorelobo a été obligée de suivre un plan
d'assainissement. Elle connaissait le taux d'occupation le plus
faible de toute la Wallonie. A cette époque, une étude au sein de
la SWL montrait que la remise en état du parc public du point de vue
sécurité et décence, aurait coûté 1 milliard de FB.
Alain
Rosenoer : « Mais il y a eu la crise des années '80, les pouvoirs
publics ont désinvesti et ont commencé à soutenir plutôt des
investissements dans le logement privé. Peu de moyens étaient
encore consacrés au logement social, uniquement le minimum
nécessaire pour l'entretien. Dans les années '90, la qualité du
logement public devenait indécente. Les statistiques de 1945 à 1980
montrent que la qualité du parc des logements publics était
meilleure que celle du parc privé. Mais par la suite la tendance
s'est inversée.
L'on
a connu la régionalisation des compétences, qui s'est installée de
façon très lente. Et la qualité des logements publics n'a plus
jamais été la même que du temps des sociétés nationales. Les
bâtiments de la SORELOBO sont devenus très rapidement obsolètes,
Aujourd'hui on essaye de se battre pour une meilleure qualité
d'investissements. En termes de sécurité, les normes ont aussi
changées, une nouvelle loi est sortie en '94. Avec l'incendie des
Mésanges, la Région wallonne a pris une claque. Le coût d'une mise
au normes de l'ensemble du parc des logements sociaux (....)
Michel
Quivy, inspecteur technique de la SWL pour la section Mons-Borinage :
« Nous n'avons jamais refusé une avance pour des
investissements de sécurité. C'est vrai que les moyens financiers
étaient plus que parcimonieux. J'avais la tutelle de la Sorelobo.
Avec l'enveloppe qu'on avait, on ne pouvait que maintenir à flot, et
assurer une pérennité des bâtiments, l'entretien des toitures,
l'électricité, les châssis.
La
présidente M.J. Deutsch : « Les problèmes de sécurité
étaient-ils une préoccupation ? »
Michel
Quivy : « je n'ai reçu que des demandes de maintien des
bâtiments. Mais dans l'ensemble de la région wallonne il y avait
peu de travaux pour la sécurité incendie ».
La
présidente M.J. Deutsch : l'on a parlé d'un coût de 400.000 €
pour la sécurité incendie des Mésanges, une telle demande
aurait-elle posé problème ?
Le
directeur A. Rosenoer : La Région Wallonne n'aurait fait aucune
difficulté.
Le
procureur du Roi Christian Henry : « Il y a eu des demandes
d'investissements en 1997 et 2000 pour un montant de 200 millions. Et
cela sans aucune demande pour la sécurité ? »
Michel
Quivy confirme.
Maître
Jan Fermon insiste : « Une évaluation avait été faite :1,5
millions de FB (40.000 €) pour 72 portes coupe-feu et pour
compartimenter les gaines à chaque étage. Était-il raisonnable
d'obtenir cela en même temps que les escaliers de secours aux tours
de Ghlin ? »
Le
Directeur : « cela n'aurait posé aucun problème ».
Le
procureur du Roi conclut par une synthèse : « La SWL et avant
elle, la SNL n'a pas de pouvoir. Le vrai pouvoir est dans les mains
des sociétés des logements sociaux subsidiées. La SWL n'avait
qu'un pouvoir de conseil. »
Le
Directeur Rosenoer précise : « en 2001 (deux ans avant le
drame), les pouvoirs sont passés des sociétés de logements sociaux
aux communes ». La Ville de Mons avait donc une responsabilité.
Béatrice Delhaye : « je vis toujours un calvaire. Ma seule fierté, c'est mon fils qui fait des études de pompier »
« Aux alentours de minuit et demi, je me suis levé pour mon fils Dylan qui avait une grippe intestinale et je devais le laver à la salle de bain. Je sentais bien une fumée, mais je pensais que c'était une boule puante, comme ça arrive encore parfois. Je devais aller chercher un pyjama pour mon petit, mais il y avait déjà des flammes dans mon salon, ma porte s'était effondrée. Je ne savais plus atteindre ma chambre. J'ai amené mes enfants dans la chambre de ma fille, trois enfants et un bébé de 1 mois et demi. Il y avait 1.600° dans l'appartement selon les pompiers. Nous sommes restées plusieurs heures ainsi dans cette chambre, j'aspergeais de l'eau sur mes enfants pour supporter la chaleur. J'ai ainsi vidé 4 bouteilles d'eau, c'est ce qui les a sauvés. J'étais morte d'angoisse, tout bougeait, je pensais que la tour allait s'effondrer comme celle du 11 septembre. Vers 5 h du matin, un pompier est venu nous sortir de là par l'escalier de secours.
Mais
nous étions tous intoxiqués. On m'a amenée à l'hôpital de
Soignies. Je ne savais pas où étaient mes enfants. Par la suite,
nous avons pu être hospitalisés dans une même chambre de la
maternité. Dylan avait 7 ans, il voulait se tuer. Il nous voyait
souffrir. Il a dû rester hospitalisé à l'hôpital psychiatrique
durant 3 mois et demi ! A mes frais. Aujourd'hui il a remonté la
pente, il fait des études de pompier, c'est une grande fierté pour
moi. Mon plus petit Brandon a dû être soigné durant 3 ans avec de
la cortisone pour son poumon.
Une
fois sortie de l'hôpital j'ai vécu un vrai calvaire, personne n'a
voulu m'aider. J'ai eu 7.200 € de frais d'hôpital à ma charge. Le
CPAS n'a pas voulu m'aider parce que je payais pas mes loyers. Deux
ans après l'incendie j'ai voulu me tirer une balle et aussi sur mes
enfants. Les journalistes de Télé MB m'en ont empêché de
justesse.
Aujourd'hui
encore j'ai des frais à payer. Heureusement j'ai mes enfants qui
m'ont dit : maman merci de nous avoir sauvés, et j'ai mon fils dont
je suis fière. Mais j'aimerais tant leur payer une chambre à
coucher !
J'apprécie
la juge Madame Deutsch, on voit qu'elle ne lâchera pas le morceau.
C'est important parce que c'est nous qui payons pour des
irresponsables ! J'en suis encore malade aujourd'hui, le procès me
fait beaucoup de mal, mes enfants le savent. »
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